Les conséquences de réforme de la parafiscalité des droits d’auteur

Les conséquences de réforme de la parafiscalité des droits d’auteur


La réforme qui s’annonce, aura sans doute des conséquences potentiellement désastreuses pour les auteurices de l’édition.

Les échos que nous avons reçus sur l’avant-projet de réforme de la parafiscalité des droits d’auteur nous inquiètent, car les propositions mettent de côté les auteurices du livre et les spécificités de notre secteur.

Les avances sur droit en ligne de mire

Le risque d’appliquer indifféremment, à toute avance versée sur droits, un ratio de 70% du montant qui devrait être considéré comme revenus professionnels et soumis à cotisations sociales ne tient pas compte :

  • des déséquilibres entre le niveau de couverture sociale des différents statuts ;
  • de la nature et du caractère international d’un contrat d’édition ;
  • du fait que les avances versées dans l’édition sont majoritairement très inférieures à la rémunération du temps de travail ;
  • du fait que ces avances ne sont soumises à aucune obligation barémique ou accord sectoriel ;
  • du fait que le gouvernement belge n’a aucun moyen d’influer sur des pratiques qui sont transnationales...

Pour les auteurices du livre, un secteur aussi faiblement financé et aussi dépendant de la volonté des exploitants d’œuvres, les conséquences seraient très lourdes.

Rappelons que le marché du livre francophone et ses éditeurs dépendent principalement de la France. Les éditeurs français et les groupes internationaux n’auraient ni intérêt, ni obligation, d’aménager leurs contrats et pratiques en fonction des changements législatifs belges.

Rappelons également que les auteurices du livre sont exclusivement rémunéré·es via des droits d’auteur. Il s’agit d’une pratique séculaire dans l’édition. Une atteinte unilatérale à cette pratique, en Belgique, ne ferait qu’isoler les auteurices de notre pays.

Rappelons enfin que très récemment, en France, le Syndicat National de l’Édition (SNE) a claqué la porte des négociations à propos d’une rémunération minimum des auteurices, affirmant la volonté de maintenir le système actuel [1].

Nous restons convaincus qu’il faut continuer à œuvrer pour l’évolution de certaines pratiques de rémunération dans l’édition, mais ce n’est certainement pas en acculant les auteurices que cela doit se faire !

ABDIL s’est clairement positionnée pour que la perception de droits d’auteur puisse être valorisée solidairement, sous forme de cotisations, dans le cadre des règles spécifiques du chômage pour les « travailleur·euse des arts », pour qu’un mécanisme « ad hoc » clarifie la situation des auteur·ices sous ce régime et leur permette légitimement de bénéficier d’une couverture sociale adaptée, pour que ce mécanisme leur permette de sortir de l’insécurité actuelle en veillant à ne pas fragiliser les auteurices sous statut d’indépendant·e, dont la couverture sociale est dérisoire, pour que le calcul des cotisations tienne compte de l’absence de participation des exploitants d’œuvres.

La proposition politique actuelle, tout à l’opposé de cette logique, entraînerait moins de sécurité et plus de bricolage !

Telle qu’est elle envisagée, la réforme précariserait encore davantage les auteurices, déjà largement paupérisé·es :

  • Elle fragiliserait celleux sous statut de « travailleur·euse des arts », les obligeant à renégocier individuellement leurs contrats avec les éditeurs, récalcitrants au principe, pour que 70 % des avances versées soient formulées comme rémunération d’honoraires. C’est en effet la condition sine qua non pour appliquer l’art. 1 bis et soumettre le ratio à cotisations sociales.
  • Elle asphyxierait celleux sous statut d’indépendant·es, majoritairement précaires, en leur imposant une surcotisation qui ne leur ouvrirait aucun droit complémentaire.
  • Elle stigmatiserait et appauvrirait les auteurices qui sont salarié·es par ailleurs et cotisent déjà largement, finançant leur activité créatrice au prix d’un investissement de travail énorme.

Une absence totale de prise en compte des avances perçues n’est pas, non plus, une solution, tant elle maintient les auteurices de l’édition hors de toute protection sociale.

Différencier les statuts

Nous demandons, donc, à ce que le principe soit différencié en fonction du statut du/de la travailleur·euse et de son niveau de couverture sociale.

Nous estimons que :

  • Une auteurice qui est en demande ou bénéficie de l’allocation de « travailleur·euse des arts », doit participer au régime solidaire et pouvoir se garantir un accès et un maintien du régime en versant des cotisations sociales sur un ratio des avances reçues, tel que proposé ;
  • Une auteurice sous statut d’indépendant·e à titre principal, cotise par ailleurs et bénéficie d’une protection sociale très faible. Les droits d’auteur qu’iel perçoit (sous forme d’avance ou autre) restent aléatoires et ne peuvent pas être requalifiés de revenus professionnels, tant qu’ils demeurent sous le seuil annuel fixé actuellement ;
  • Une auteurice salarié·e à titre principal dans une autre fonction cotise déjà pleinement au régime mutualiste de la sécurité sociale. Les droits d’auteur qu’iel perçoit (sous forme d’avance ou autre) ne peuvent pas être requalifiés de revenus professionnels, tant qu’ils demeurent sous le seuil annuel fixé actuellement.

Afin de permettre aux artiste-auteurices sous statut de « travaileur·euse des arts » de cotiser avec les avances qu’iels perçoivent, il doit être législativement clarifié que les avances perçues dans le cadre d’un contrat de cession (contrat d’édition, particulièrement) peuvent être converties en salaire via l’art. 1 bis.

Nous exprimons une position liée aux situations des auteurices que nous représentons, mais nous sommes également solidaires de l’ensemble des artistes-auteurices, des travailleur·euses des arts et des journalistes que cette réforme précariserait injustement.

Nous espérons que le gouvernement entendra les craintes, très légitimes, exprimées par l’ensemble de nos secteurs et adaptera ses propositions.

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